Salut
les Nours' !
Le 9 mai 2015,
l’UBB accueillait Oyonnax à Bègles : on était tous invité à l'enterrement de
Musard ! Fin d’une belle histoire ? Heures sombres et jours de gloire ? Tout
cela défilait dans ma tête … Le C.A.Béglais avait su prendre la relève du grand
Stade Bordelais du début du siècle dernier en jouant 4 finales pour 3 titres (à
chaque fois face au Stade Toulousain), jusqu’à sa chute en Fédérale 1 au début
des années 2000, puis la renaissance sous forme d'UNION … Bègles-Bordeaux ou Bordeaux-Bègles peu importe ! La finale de la remontée contre
ALBI avait scellé les fondements de l'union pour laquelle un grand stade comme
celui de Lescure paraît être de bonne taille.
Musard sera toujours
Musard : une drôle de prairie ! Deux compères ont crée, au début du siècle
dernier, le CAB rugby … en 1907 exactement. C'était l'époque des maillots
blancs avec leur long caleçons blancs, avec bérets sur la tête et moustaches en
forme de guidon de bicyclette : le rugby béglais naissait !
Musard est devenu,
au fil des saisons, le cœur de la banlieue. Et malgré tous les noms des
frontons, des allées ou des statues, et avec tout le respect qu'on doit à ces
personnes, je ne vais pas à Delphin Loche ou à Moga … Moi, je vais à Musard !
Pour les adversaires, l'impasse … Pour les "Damiers", l'ouverture
grand côté ... Musard pour mieux musarder ! Fin d’une époque, donc …

Pour la
circonstance, les dirigeants ont eu l'idée de ressortir le célèbre damier du
CAB … "Un maillot à damiers pour
mieux jouer aux dames ! ", disait-on à l'époque, pour des fous qui
avaient pris le rugby pour roi et choisi l'ovalie comme reine. Ce jour-là, j'en
ai croisé beaucoup qui avaient ressorti leur vieux maillots. Pour ma part, j'ai
mis sur mes épaules un vieux maillot "collector",
matelassé aux épaules et qui pesait "1 tonne" les jours de pluie. Au
dos, deux barres verticales noires indiquaient que je jouais ailier à l'époque
… Maintenant, j'en connais qui en feront une lecture en chiffres romains et me
positionneront au talonnage des vétérans des NNB. Je garde mon vieux maillot
empesé à damiers bleus et blancs, sans marque ni publicité, comme une relique
digne du sanctuaire du rugby de mes 20 ans ! J'ai aperçu un maillot encore plus
"collector" que le mien, le
damier rouge et blanc, celui qui servait à ne pas nous confondre avec les
équipes qui venaient jouer à Musard en bleu ou en blanc. Car, au rugby, on sait
recevoir : on change nos couleurs à la maison. En revanche, je n'ai pas revu le
très rarissime damier vert et blanc … Revoilà donc Musard en bleu et blanc :
les drapeaux, dans les tribunes, étaient tous à l'effigie du damier. Au moment
de l'entrée des joueurs sur le terrain, j'ai eu la chair de poule tellement
l'émotion était vive …
J'avais pris
position au pied de la tribune Garonne, là où se positionnait la célèbre
"Académie". L'Académie, cette espèce d'institution qui réunit des
sages, anciens joueurs de rugby, toujours debout et installés en face de la
tribune d'Honneur, et qui ont une critique avisée sur le rugby d'hier et
d'aujourd'hui. Ils ne manquent pas de venir voir jouer les jeunes pousses
béglaises : en règle générale, l'Académie se formait à la mi-temps du match de
lever-de-rideau … Me voilà donc "Académicien", tout près de la main
courante. Musard était plein de bruit : les encouragements et phrases étaient
tous empreints de passion, animés par l'espoir de terminer en beauté et la peur
que cela dégénère … Très vite, l'homme au sifflet fit gronder, siffler, hurler,
vociférer, brailler à tue-tête et gueuler à
gorge déployée tout Musard … Les quolibets, les noms d'oiseau ou les
commentaires farfelus prirent le pas sur les encouragements : vox populi avait
ses maux à dire ! J'aime mieux quand les supporters chantent … Mais là, Musard
n'a jamais été gaillard : pour ça, les footeux sont plus forts que nous.
J'ai une
nostalgie particulière pour le Musard de la semaine : grand jardin au milieu
des petits dont les tribunes sont intensément vides … Plus loin, les voitures ronflent
et parfois un train se gare. Un chien dort paisiblement sur le béton chaud
tandis l'autre aboie, attaché derrière le portail du chenil. Les peupliers de
l'allée centrale tremblent comme des feuilles face au drapeau français et au
fanion à damiers qui dominent la statue de Delphin Loche, à côté de la buvette.
Plus tard, celle du "Grand" rajoutera à la solennité des lieux. Ces
peupliers qui ont perdu leurs frères de Furiani, comme l'obélisque de Luxor est
séparé de son frère de la place Vendôme. Situés à l'opposé, ceux-là servaient
aux buteurs à l'entrainement pour viser le 3ème poteau du milieu. Pour
d'autres, ils permettaient de se planquer dans le fossé pour éviter de faire
des tours de stade. Ici, la banlieue béglaise prend un air de village. Le brave
Francis pousse sa chariotte pleine de sacs de maillots qui ont été lavées à la
piscine voisine …. Chez "Jameau", on tape le carton ou on sirote un
panaché-bière ou une mignardise … Dans le club-house, était affiché un cadre
serti de petits éclats, représentant un gaillard à damiers, ballon sous le bras
gauche et l'autre tendu en guise de raffut … la légende fait état que le cadre
était fait de morceaux de dents que les adversaires avaient perdues sur la pelouse de
Musard.
Musard sera
toujours Musard : une drôle de prairie !
Biz
- @+
JYB/Knar - le 17.05.2015